L'oracle de Delphes |
19 Mars 2017
Après toute une année de batailles, d'espoir, de souffrances, d'angoisses, d'émotions en yoyo, de prises de conscience, puis d'attente... vient forcément le moment du verdict. Jusqu'ici, mes semaines bien remplies, je n'y pensais pas.
Ce matin, je me suis réveillée plutôt de bonne humeur, ce qui ne m'arrive pas souvent – et oui je ne suis pas trop du matin - . Uneconversation banale avec mon amoureux, passant d'un sujet à un autre... puis un désaccord pour une broutille, ma bonne humeur a vite laissé place à la colère et un flot de larmes incontrôlé et incontrôlable. Mathieu désolé et surtout perplexe face à ma réaction, me prit dans ses bras.
J'utilise alors la carte « Désolée, hormones détraquées », facile à placer quand on se rend compte qu'en effet, on a un peu de mal à contrôler ses émotions !
Pas besoin de chercher très loin, tout cela n'a rien à voir avec Mathieu, notre désaccord ou encore mes hormones... mes premiers examens de contrôle sont dans deux jours.
Malgré toute l'énergie que je mets à ne pas y penser, à m'occuper sans cesse, à me dire que c'est loin... je suis en réalité terrifiée. La rencontre avec mon oracle arrive à grand pas et comme je suis la seule à avoir cette date en tête, je me sens submergée par ce sentiment de peur et de solitude.
Je suis terrifiée par le fait que tout le monde me considère déjà comme « guérie » alors que moi-même je ne le sais pas, je me sens encore comme rongée par ce foutu crabe. Je suis terrifiée par ce qui m'attend. Je suis terrifiée à l'idée de tout recommencer, les traitements, la douleur. Je suis terrifiée par cet « Après Cancer » qui me semble tellement compliqué à vivre et je culpabilise de ne pas être capable d'apprécier le fait d'être encore en vie !
C'est très compliqué de partager ce sentiment avec qui que ce soit. Tout autour de moi me donne cette impression que je n'ai plus le droit d'avoir peur, plus le droit d'être triste, plus le droit de lâcher puisque jusqu'ici j'ai été si forte, si courageuse, et que mon cancer c'est déjà du passé. Mais il sera toujours là, dans mon ombre, endormi. Quoi qu'il arrive, il fait partie de moi.
Il ne me reste plus que deux jours avant de savoir.
J'irai seule passer ces examens, seule pour ne décevoir personne...
J'aimerais parler de tout ça à Mathieu mais j'ai tellement de mal à mettre des mots sur ce que je ressens. A l'intérieur de moi c'est un perpétuel conflit entre différentes émotions, elles se renvoient la balle sans me laisser de répit ! Comment pourrait-il comprendre ? Comment lui expliquer ce que moi-même j'ai du mal à saisir ?
Je passe ces deux jours à tenter de prendre sur moi mais je sens lenœuddans mon estomac qui se resserre encore et encore...
Le Jour J... Mes angoisses n'ont fait que s'accentuer, je suis une grosse boule de nerfs et d'émotions prête à exploser et je me sens comme seule face au reste du monde ! Pourtant je sais bien que chaque être humain passe par des moments pareils... On a tous peur à un moment ou à un autre de notre vie.
Je me lève, je file directement sous la douche car je ne pourrai rien avaler, j'ai la nausée comme avant une chimio. Je prends une bonne partie de mon dossier médical sous le bras, je grimpe sur mon vélo et je prends la direction du centre d'imagerie Victor Hugo. Ça fait un an que je n'y ai pas mis les pieds. La dernière fois ils m'ont annoncé une bonne nouvelle, croisons les doigts.
Etre éclairée |
J'aurais dû commencer par l'IRM mais seulement ça, je l'avais complètement zappé...Une fois sur place, la secrétaire elle, me le rappelle, mais c'est trop tard... Elle me demande les noms de mon médecin traitant, mon chirurgien et mon oncologue... trou de mémoire... laissez-moi 2 minutes, ça va revenir... Elle s'impatiente... J'arrive enfin à en retrouver deux sur les trois c'est déjà pas mal !
Salle d'attente, j'ai chaud, j'ai du mal à respirer et 5 minutes me paraissent une éternité...
C'est à mon tour, je passe par la cabine pour me déshabiller et entre dans la salle pour la mammo. C'est ma toute première fois. J'ai peur d'avoir mal, on va quand même m'écraser les seins entre deux plaques.
Heureusement que chaque cliché est rapide car effectivement c'est un peu douloureux et surtout très inconfortable ! Étrangement mon sein intact est bien plus sensible que l'autre déjà tant malmené...
Retour en salle d'attente pour voir le médecin échographe.
On me fait entrer dans une salle d'écho…
« - Déshabillez-vous, installez-vous le médecin arrive.
- Mais vous me faites passer une écho en plus ?
- Oui, le médecin arrive. »
Le stress monte d'un cran, pourquoi une écho en plus ? J'attends l'échographe pendant une bonne dizaine de minutes. J'ai le temps de me faire tous les films possibles et imaginables.
Le médecin échographe m'explique que c'est tout à fait normal, la mammo est bien souvent suivie d'une écho... je ne le savais pas.
Avant de passer l'examen elle me demande de la briefer sur mon cas. Je reprends l'histoire depuis le début, version courte : fibroadénome bénin, surveillance, douleurs, opération, finalement cancer du sein, pas d'opération au départ, ganglions sentinelles métastasés, chimio, tumorectomie, curage axillaire, radiothérapie... et aujourd'hui premier contrôle.
L'écho dure un petit moment, elle observe mes deux seins, elle me rappelle encore une fois qu'il aurait été mieux d'avoir l'IRM avant l'écho...
Elle constate un petit nodule dans le sein gauche, mais a priori, d'après les précédents bilans, j'en avais déjà un avant le diagnostic du cancer. Seulement, j'ai aussi oublié d'emmener ma toute première écho – oui le dossier tout entier ça commence à peser –et elle ne peut pas comparer et vérifier s’il s'agit bien du même. Elle me dit de bien penser à la prendre pour l'IRM et qu'elle va appeler sa collègue (de l'IRM) pour qu'elle se penche dessus cet après-midi.
Retour en salle d'attente avant de pouvoir récupérer les images et le compte rendu. Une vingtaine de minutes plus tard, un dossier de plus en main, je rentre à la maison. Une fois arrivée, j'ouvre le compte-rendu. Tout n'est pas clair, et je ne suis pas très rassurée par cette histoire de nodule dans le sein gauche.
Le temps me paraît interminable jusqu'à 16H45, l'heure de partir au Millénaire pour l'IRM. Mon cœur bat tellement fort.
Si jamais ils m'annoncent que le cancer est toujours là, qu'il faut tout recommencer, je commence à envisager de fuir, loin, très loin, sur une plage paradisiaque !
Sur la route, une voiture me coupe la route dans un rond-point et manque de m'envoyer dans le décor...
Une fois garée sur le parking de la clinique, j'ai les jambes en coton et les mains qui tremblent, m**** ça aurait été con de mourir avant de savoir si je vais survivre ou non à ce foutu cancer !
Retour en salle d'attente, cette fois toutes les images en main.
C'est reparti pour un tour d'IRM. La cabine, la blouse en papier, la pose du cathéter, le discours habituel, la poire seulement en cas d'extrême urgence, le bruit, le casque, l'injection du produit, etc.
Examen terminé je retourne m’asseoir en attendant les résultats.
Un quart d'heure, une demi-heure, trois quarts d'heure, une heure... Bonjour l'angoisse, je n'ai jamais attendu aussi longtemps !
Il est presque 19h quand le médecin me reçoit.
Verdict :
« - Bonne nouvelle, nous n'avons pas détecté de manifestations cancéreuses dans le sein droit, tout va bien .
- Ok, mais...
- Mais on a effectivement découvert un nodule dans le sein gauche, ce n'est pas le même que sur les précédents clichés. Pour le moment il est petit et ne manifeste pas d'activités cancéreuses à l'IRM mais il va falloir le surveiller de près. Prévoyez de repasser un examen dans 4 à 6 mois. Mais pas de manifestations cancéreuses sur l'IRM aujourd'hui c'est une bonne nouvelle mademoiselle Scattarelli. »
Marcher sur le sable |
Je ressors de là sans éprouver le moindre soulagement. Oui la nouvelle est bonne mais pas totalement.
Je monte en voiture, prends en photo les examens pour les envoyer à mon frangin. Il me répond qu'ils sont bons. Je file direction la plage, je vais marcher sur le sable et regarder le coucher du soleil pour essayer de faire redescendre un peu la pression.
M**** j'aurais tellement aimé, me sentir soulagée, libérée d'un poids, sauter au plafond. Il me faudra peut-être quelques jours pour apprécier cette « presque » bonne nouvelle.
Sia - Breath Me
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