Crédit image @Mister Kha |
Mars 2017
Le temps passe à une vitesse... Bien plus vite aujourd'hui que lorsque j'étais raccordée au goutte à goutte des perf. de chimio...
On arrive déjà au mois de mars et je ne sais toujours pas où je vais. Cette angoisse plane au-dessus de ma tête de manière incessante. Ma vie d'avant, ma vie plus légère et plus insouciante me manque. Je regretterais presque d'avoir quitté mon boulot - par moment -car je n'ai aucune idée de ce que je vais faire maintenant... ni après. Peut-être que reprendre un train-train quotidien aurait été plus rassurant ? Mais au fond de moi, je sais que j'en aurais été incapable. Quitter un cauchemar pour se replonger, à nouveau, dans un autre. Je ne me sens pas prête à reprendre le fil de cette ancienne vie. J'en cherche un autre.
Une nouvelle ligne sur la paume de ma main. Mon fil d'Ariane, pour me raccrocher à autre chose. Mais j'ai le vertige, la peur de tomber.
Après avoir bien ruminé ces dernières semaines, l'heure est au bilan.
Alors, à ce jour, qui suis-je ? Aucune idée. Plus la même ça c'est certain mais pourtant pas si différente...
J'ai un cancer du sein, ou j'ai eu un cancer du sein. Je ne sais toujours pas comment formuler.
Je suis... cette femme de trente ans, sans enfant, qui ne sait pas encore si elle pourra en avoir un jour – les tests sont en cours... - toujours aussi angoissée, sans boulot, ni idée de ce qu'elle va faire du reste de sa vie.
Elle est devenue patiente mais aussi intransigeante, beaucoup plus dure avec elle-même et avec les autres.
Une vie sociale, certes, –peu de pertes sur le champ de bataille - maisqui s'arrête à minuit le samedi soir, tout comme Cendrillon, sauf que ce n'est pas que son carrosse se transforme en citrouille, c'est juste qu'elle est trop fatiguée pour tenir au-delà...
Son agenda ne la quitte plus car elle a des soucis de mémoire et de concentration donc elle zappe des rendez-vous... Elle oublie les noms de ses médecins et pas mal d'informations importantes qui constituent une conversation, même si on lui répète trois fois...- Ah mais tu ne me l'avais pas dit ! - et mauvaise foi aidante c'est toujours la faute des autres !
Et puis, heureusement qu'elle est gauchère car attraper une tasse en haut du placard de la main droite relève d'une discipline olympique, et ne parlons pas de porter des courses ! Elle a perdu sa dextérité, alors elle laisse échapper quelque chose par terre à peu près trois fois par jour, du téléphone portable au paquet de farine – un bonheur à ramasser –et elle n'a plus deux verres identiques !
Elle se lève chaque matin avec des douleurs articulaires un coup dans les hanches, un coup dans le dos ou les genoux et elle doit se déployer de son lit, tout en douceur, les os grinçants, comme si elle avait trois fois son âge.
Ses hormones « yoyo » n'en font qu'à leur tête, résultat elle passe sans cesse du rire aux larmes et un tout petit truc de rien du tout : elle peut en faire une montagne !
Elle a pris du poids à cause de tous les corticoïdes qu'elle a avalés et elle n'arrive pas à le perdre. Elle ne supporte plus la frustration ! Il y a toujours du chocolat dans ses placards. Ses ongles repoussent de manière aléatoire, elle souffre de sécheresse des muqueuses et de la peau. Et puis, elle a une poitrine asymétrique, marquée de cicatrices et une coupe de cheveux douteuse - bon, ils sont quand même beaux mes nouveaux cheveux - !
Merde ! Heureusement que je ne suis pas célibataire car pas sûr que ma description fasse fureur sur « Adopte un mec » ou « Tinder »!
Le cancer ce n'est pas seulement difficile pendant les traitements. Le réveil post-traitement est tout aussi compliqué et donne la nausée. La maladie laisse beaucoup de stigmates physiques et psychiques. Il faut s'y faire, continuer à les panser comme on peut. Car désormais on est tout seul. Malgré tout cela – j'espère sincèrement que ça ira en s'améliorant –il faut commencer à avancer. Un pas après l'autre. Retrouver l'envie. Retrouver le goût de la vie. Mais pour l'instant il reste amer...
Alors je m'attèle comme je peux à ma reconstruction. Pour le côté physique, il faudra encore attendre quelques mois de passer entre les mains du chirurgien, mais pour ce qui est de ma personne, je crois qu'il est temps de m'y mettre.
J'ai désormais les ateliers de coaching comme béquille pour me soutenir dans cette démarche, ce qui est rassurant mais c'est à moi de faire le gros œuvre ! Par où commencer ce sacré chantier ?!
Cherche son chemin dans les Cévennes |
Accepter. Accepter la fatalité. Accepter que ce foutu crabe n'était qu'un coup de « pas de chance ». Une femme sur huit. Accepter que ce soit tombé sur moi plutôt que sur une autre. Accepter les séquelles et les nombreuses traces de la maladie qui recouvrent mon corps et mon esprit. Accepter le changement même quand ce n'est pas un choix.
Je crois que la première pierre à poser c'est celle-là ! Il faut que j'accepte et que je m'accepte telle que je suis aujourd'hui.
Il faut aussi que les autres acceptent.
Bien sûr, il y a un peu de boulot... Il ne suffit pas de le dire pour que cela devienne une réalité. Le fait de parler de ma maladie, de mon cancer depuis le début avec autant de facilité n'a jamais voulu dire que j'acceptais ce qui m'arrivait.
Et avec le recul, je l'accepte encore moins. Pourtant il faut que je dépasse ma colère sinon je n'avancerai jamais.
Et puis personne n'a la réponse à la question pourquoi ? Pourquoi moi ?
Et puis on s'en fout au fond, c'est simplement injuste mais c'est comme ça.
On me laisse entendre que pour accepter il faut ouvrir les yeux sur ce que le cancer nous a apporté de positif. Pour l'instant je ne vois pas– et j'aurais pu carrément m'en passer ! -à part peut-être me montrer ce qu'est vraiment l'amour. Les autres vous disent ou vous montrent combien ils vous aiment lorsqu'ils ont peur de vous perdre ou de ne plus jamais vous revoir. Mais ça aussi ça finit par s'estomper.
J'imagine qu'il me faudra un peu plus de temps et prendre un peu plus de hauteur pour réaliser certaines choses et pour peut-être apercevoir ce que cette épreuve a rendu meilleur dans ma vie.
Alors, j'attendrai que mon petit tas de pierres soit plus grand...
Mais on ne peut pas dire que le Cancer apporte du positif dans notre vie, c'est erroné, sinon tout le monde rêverait d'en avoir un... C'est juste la force que l'on déploie à se battre contre la mort qui ne nous quitte plus et qui nous ouvre les yeux bien grands.
Je me sens encore entre deux eaux, un pied dans les flots de la maladie et l'autre dans une petite flaque. Mais je suis encore en vie, même si elle a un goût amer !
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