#AssuranceMaladie Santé Cancer |
Février 2017
Je n'ai plus la date précise en tête mais voilà quelques semaines je reçois une convocation de la part de l'assurance maladie. Je dois me rendre dans leurs locaux cours Gambetta pour rencontrer M. le médecin-conseil. Vous savez celui à qui vous adressez vos arrêts maladie.
Et bien sûr je suis priée d'amener avec moi tout mon dossier médical– et il commence à peser bien lourd - …
Au départ je ne comprends pas bien la raison de cet entretien, et puis à force d'en parler autour de moi, je réalise qu'ils veulent tout simplement vérifier que je suis bien malade, histoire de ne pas financer – en partie -mes traitements pour rien !
Et oui, un malade du cancer, ça coûte cher à la Sécu', entre les traitements, les examens, les consultations, les indemnités journalières etc. alors ils veulent que ça dure le moins longtemps possible.
Effectivement, pour ce médecin de la sécu cet entretien n'est qu'une pure formalité, cela fait partie du protocole administratif classique que de convoquer un malade pour vérification, lorsque l'arrêt maladie dure depuis plusieurs mois. Mais pour moi en tant que malade, c'est loin d'être une partie de plaisir et surtout savoir que je suis convoquée pour être bien certain que je ne fais pas semblant ou que je n'abuse pas...cela me rend folle.
Qui aurait envie de suivre 7 mois de chimiothérapie et 2 mois et demi de radiothérapie, juste pour ne pas aller bosser ?
Et non je ne prolonge pas mon arrêt maladie pour le plaisir mais simplement parce qu’aujourd’hui je ne peux pas aller travailler.
J'ai bien conscience qu'avoir un système d'assurance maladie comme celui que nous avons en France est une chance. Si j'étais tombée malade dans un autre pays je n’aurais peut-être pas pu accéder aux soins. Et forcément ce droit à la couverture maladie implique que nous ayons des comptes à rendre à la sécu. Toute l'administration française fonctionne comme cela. Mais cela est réellement fatiguant de toujours devoir se justifier...
Si je pouvais me le permettre, je n'irai même pas à ce rendez-vous. Mais forcément, ne pas y aller aurait comme conséquence la suspension de mes indemnités journalières, et sans elles, je ne m'en sors plus.
Alors, le jour J, mon dossier médical sous le bras, je roule jusqu'au magnifique et accueillant bâtiment de la CPAM de Montpellier qui trône sur le cours Gambetta.
J'avoue que je n'y avais pas mis les pieds depuis un bail. Toujours autant de monde qui fait la queue, dès la première heure du matin, des gens qui patientent... et qui s'impatientent.
Une hôtesse me demande la raison de ma présence. Je lui montre ma convocation et elle m'invite à me diriger vers la borne d'accueil des « avec rendez-vous », dont la file, fort heureusement paraît bien moins longue que celle des « sans rendez-vous ».
Quelques minutes plus tard, je m'assois dans la salle d'attente de M. le médecin conseil, mon dossier sur les genoux.
Il n'y a que moi et ce vieil homme en fauteuil roulant, - peut-être que lui aussi fait semblant de ne pas pouvoir marcher –je ne peux qu'ironiser sur le fait de ma présence ici.
Comme dans toute salle d'attente de médecins, j'attends un petit moment.
Un homme –également en fauteuil roulant – sort par la porte sur laquelle est placardé « M. Le Médecin Conseil », c'est bientôt mon tour.
Une femme en blouse blanche passe la même porte.
« -Madame Scattarelli ? »
Je hoche la tête, elle m'invite à la suivre dans son bureau. C'est madame le médecin conseil.
« - Asseyez-vous. Je vais commencer par vous poser quelques questions. »
Et là commence un interrogatoire de la Gestapo !
J'ai à peine le temps de répondre à une question, qu'elle pose déjà la suivante, prenant tout en note en faisant claquer ses doigts sur le clavier de l'ordinateur. « À quelle date votre cancer a-t-il été diagnostiqué ? Comment a-t-il été diagnostiqué ? Type de Cancer ? Dénomination exacte ? Combien de chimiothérapie ? Quelles cures de chimiothérapie ? Nombre de séances de radiothérapie ? Noms de mes médecins, oncologue, chirurgien ? Nombre d'opérations ? Types d'opérations ? Etc. »
Mais elle n'a pas déjà toutes ces informations consignées dans son dossier ? J'en doute.
Elle me pose ensuite quelques questions sur mon emploi, et le type de poste que j'occupe sans me laisser le temps de développer ma réponse. Elle conclut son entretien par une phrase qui me laissera stoïque :
« - Bon cela fait un peu plus d'un mois que vous avez terminé vos traitements. Je pense que le mieux pour vous aujourd'hui est de reprendre le travail. Vous voyez un psychologue ? Car si vous restez chez vous à ne rien faire, c'est la dépression qui vous guette ! Et la dépression c'est dur d'en sortir. C'est pourquoi la reprise du travail est la meilleure solution à envisager. »
Je suis tellement choquée par son discours que je ne lui réponds même pas.
« - Je vais tout de même vous examiner – peut-être histoire de vérifier que je me suis bien faite opérer du sein et que je ne mens vraiment pas ? - Déshabillez-vous. »
Je fais glisser mon gilet, puis mon t-shirt le long de mes bras sans les lever car mon bras droit est toujours douloureux et je n'ai pas retrouvé toute ma mobilité.
« - Vous avez l'air d'avoir aucune séquelle physique qui pourrait empêcher la reprise de votre poste. »
J'ai envie de lui jeter mon dossier médical – qu'elle n'a pas pris la peine d'ouvrir – dans la figure mais je garde mon calme. Elle admire le « chef d'œuvre » de mon chirurgien et prends quelques notes de plus.
#breastcancerawareness |
L'entretien est terminé, elle m'invite à sortir en me raccompagnant jusqu'à la porte. J'ai à peine le temps de me rhabiller. Puis, durant les quelques pas qui nous séparent de la sortie, elle insiste de nouveau sur la nécessité de reprendre le travail et sur le fait que si je prolonge mon arrêt, je serai de nouveau convoquée.
Je ne l'écoute plus. Je passe la porte, je dis au revoir.
J'ai comme la sensation d'avoir été menacée. Le but de cet entretien était tout simplement de me suggérer fortement de ne pas renouveler mon arrêt maladie. Voilà comment fonctionne l'administration française.
Je ne lui ai rien dit du fait que je ne comptais pas reprendre le travail, ni pourquoi car de toute façon aucun dialogue n'était possible. Nous ne sommes pas dans la même réalité. Elle ne sait certainement pas ce que c'est que d'avoir un cancer.
Une fois de plus je suis fatiguée de devoir me justifier. Je suis bien plus en colère aujourd'hui, en sortant de ce rendez-vous grotesque qu'il y a un an en repartant de cette chambre d'hôpital avec mon diagnostic du Cancer. Je sors à peine d'un an de traitements, d'un an de combats contre la maladie. Je suis épuisée. J'aimerais qu'on me laisse respirer, juste un instant.
Je suis en colère mais dans quelques jours je sais que je rirai de cet entretien tellement absurde.
Lou Reed - Perfect Day
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