Le Jour où j'ai déposé les gants... |
12 Décembre 2016
On est déjà le 12 décembre 2016, c'est l'hiver, un doux froid s'est installé mais le soleil brille de bon matin. Dernière case cochée sur mon calendrier, dernière séance de radiothérapie. Je suis surexcitée, ça y est, il y a enfin une fin, plus de nouvelles étapes de traitements. Dans quelques jours c'est Noël et le plus beau des cadeaux, c'est ce calvaire terminé, on va me foutre la paix, pour de bon !
On pose un point – d'exclamation -final à cette année de traitements, une année entière, 12 mois, presque 365 jours...
Cette dernière journée débute par un dernier passage dans le bureau de l'oncologue. Histoire de faire le bilan de tout le protocole et de regarder si la radiothérapie n'a pas trop fait de dégâts.
Tout va bien – enfin le mieux possible, je ne suis pas trop brûlée - la peau est rougie mais ce n'est que légèrement douloureux, je supporte. Les frottements du soutif m'ont un peu abîmé l'épiderme au niveau de la bretelle, sur l'épaule et sur le côté droit du sein, mais rien d'alarmant. La peau se régénèrera. Un peu de crème réparatrice chaque jour durant plusieurs semaines et on y verra que du feu, ou plus de feu plutôt !
Fin de l'entretien, il me tend la main et me dit :
« - Au revoir Lisa, j'espère qu'on n'aura pas à se revoir, mais je suis confiant !
- Adieu, moi non plus j'espère ne plus vous revoir doc. ! »
Je crois que je n'ai jamais prononcé ces mots avec autant de sincérité. Ne vous y trompez pas, j'aime beaucoup mon oncologue, mon Harry Potter devenu grand, sans sa cicatrice et sa baguette de sureau, mais qui fait tout de même un peu de magie. Il a été très professionnel, fort sympathique et même très cool avec moi durant toute cette année mais on s'est assez vu pour toute une vie ! Enfin je l'espère... On l'espère tous les deux.
Direction la salle de radiologie, trente quatrième et dernière fois que je franchis ces portes et que je procède au même rituel. Rien n'a vraiment changé en deux mois hormis les zones de ma poitrine exposées à la radiation qui ont été précisées à mi-parcours, et ma lassitude grandissante. Je traînais de plus en plus les pieds pour m'y rendre.
Mais pas aujourd'hui ! Aujourd'hui c'est un jour totem, c'est le dernier, c'est la dernière séance alors j'y vais avec le sourire.
Je veux capturer chaque instant dans ma mémoire, c'est mon jour de sortie de prison alors je mémorise bien tout, chaque visage, chaque parole, chaque mouvement autour de moi.
Je sens que les manipulateurs radio sont aussi heureux que moi qu'on soit enfin arrivés à cette 34ème séance.
Last Goodbye
Vingt minutes plus tard, je suis dehors, les portes automatiques de l'hôpital de jour se referment sur moi, un dernier regard en arrière et je vais de l'avant.
Tout dernier passage chez la coupeuse de feu, je suis émue.
Elle ne m'a pas demandé un centime, elle m'a offert son aide, m'a fait profiter de son don, de sa générosité, sans rien me demander en retour et des gens comme ça il y en a trop peu !
Je ne sais pas comment la remercier, mes mots ne suffisent pas. Elle m'a épargné bien des souffrances. Je lui écris une lettre, lui achète une belle orchidée, un beau panier garni avec des biscuits que j'ai fait maison et je promets de repasser la voir, un jour.
On a toutes les deux les larmes aux yeux.
Le Cancer est un fardeau, il m'a pris beaucoup mais m'a également offert de belles rencontres...
Je monte dans la voiture, je claque la portière et je sens le goût des larmes qui coulent le long de mes joues, je ne suis pas triste, j'ai le sourire, je suis enfin libre... Peut-être pas encore débarrassée de ce crabe qui me pince les miches mais je suis LIBRE.
Quelques jours après, pour boucler le protocole, dernier rendez-vous avec le chirurgien. Enfin dernier de l'année car lui et moi, on est partis pour dix ans !
Dix ans de suivi, dix ans d'examens, de visites de contrôle…
Il m'explique comment ce suivi va se mettre en place, la fréquence des examens, etc.… mais je n'écoute pas vraiment. Je suis loin, je suis ailleurs, je suis libre. On verra bien...
On aborde également la prochaine opération de reconstruction - histoire d'avoir une poitrine à peu près symétrique –mais on ne pourra pas la programmer avant les prochains examens.
Déception, j'aurais aimé que ce soit fait le plus vite possible, me débarrasser de tout ça et ne plus y penser... Mais il faudra patienter jusqu'à avril ou mai... - Patience est devenu mon second prénom... -.
Prochain rendez-vous dans 4 mois, écho-mammo-IRM, pour savoir si on a bel et bien foutu une raclée à ce Fucking Big C.
En attendant, je vais vivre, et profiter de ma liberté, loin des hôpitaux et des médecins... enfin le plus possible.
Morticia post-traitements... |
J'adore Noël et il approche. Je suis encore là. Encore un Noël, j'ai encore le droit à un Noël avec toute ma famille, merci. Je suis toujours là. Mais je ne suis plus la même.
Il y a un an, je ne savais même pas que j'avais ce foutu crabe en moi, un simple petit nodule inoffensif, il y a un an mon plus gros souci c'était mes boss, il y a un an je ne me rendais pas compte à quel point la vie ne tient qu'à un fil, à quel point elle est supportable, il y a un an je n'avais pas conscience de la chance que j'avais, de mes richesses, de tout l'amour qui m'entourait...
Mais aujourd'hui je sais tout ça.
Et maintenant que vais-je faire ?
Je vois de nouveau l'horizon se dessiner devant moi mais il est encore trop flou. Je ne peux pas reprendre ma vie là où je l'ai laissée le 6 janvier 2016. Je vais avoir beaucoup de décisions à prendre ces prochains mois. Je dois tout repenser, reprendre la route, redessiner des projets, mais je n'ai aucune idée de la direction à prendre.
Je me pose beaucoup de questions, je commence tout juste à réaliser ce qu'il m'est arrivé, mes yeux s'ouvrent à nouveau sur le monde... mais avant toute chose, je vais souffler, dormir, me poser, me reposer. Je suis épuisée.
The Kills - Last Goodbye
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