Campagne de prévention - Espagne - Càncer de mama - 2012 |
Du 14 Avril au 28 Juillet 2016
On m'avait dit qu'il y avait des chances que mes cheveux commencent à repousser au changement de traitement. Le Taxol ayant moins l'effet alopéciant que le Fec 100. Ce fut le cas, un petit duvet tout doux recouvrit peu à peu mon crâne nu. Je peux vous dire que même si ce n'est pas joli joli, c'est un vrai bonheur !
Puis... ils sont retombés, une seconde fois... Alors certes ce n'est pas aussi dur que la première fois mais ça éloigne encore un peu plus mes rêves de longue tignasse. Ça m'a foutu de nouveau un coup au moral !
J'en ai ras la casquette, déjà presque six mois que je suis sous traitement !
Les infirmières m'ont proposé d'essayer le casque de glace... il ne manquait plus que ça à mon attirail de boxeuse des glaces. Trop peu de chances que cela fonctionne et pour sauver la vie des quelques pauvres cheveux qu'il me reste sur la tête... non merci. Je décline le passage au niveau supérieur de torture glacée.
Je choisis de me raser à nouveau le crâne et je porterai ma longue crinière de sirène tout l'été !
L'alopécie ne concerne pas que les cheveux, comme je l'ai déjà raconté précédemment, elle concerne toute la pilosité du corps ! Jusqu'ici mon épilation intégrale se maintient ! Au moins cela de pratique pour aller à la plage cet été – car oui, malgré les traitements, bien crémée à l'indice 50, et un parasol, je me permets d'aller flâner sur la plage et me baigner dans la mer, je ne suis pas encore un vampire ! -. J'ai bien évidemment demandé l'accord de mon onco : bien protégée et en évitant les heures du zénith, pas de souci pour s'octroyer des pauses sable chaud !
Seulement le Taxol s'attaque également aux cils et aux sourcils ce qui explique le bandeau sur les yeux durant les traitements. Petite piqure de rappel : le froid réduit la circulation du sang sur cette zone, par conséquent, cela réduit l'exposition de cette même zone au poison ! Pourtant, malgré mon masque de reine des glaces, et l'huile de ricin appliquée tous les soirs au coton tige, mes sourcils, au fil des séances, se sont peu à peu clairsemés – mais ce n'était pas non plus la cata -et mes beaux et longs cils d'italienne sont tous tombés et ce, petit à petit, jusqu'à quelques semaines après l'arrêt des traitements– Là, c'est la cata ! -. Adieu le joli regard de biche, adieu le mascara et le crayon qui ne tient plus... Et bonjour l'air fatigué, pas réveillé... malade... puissance 10 !
Heureusement c'est l'été et mes lunettes de soleil ne me quittent plus– et j'en ai une belle collection ! -.
Camaieu de bleu sur la plage ! |
L'alopécie définitivement, ça craint ! Comme pour les cheveux, ce n'est pas facile à digérer, surtout pour une coquette comme moi. La féminité transparait par nos cheveux qu'on peut coiffer, nos sourcils bien dessinés, et nos cils recourbés.
Même si la journée on se pomponne, ce n'est qu'un artifice, car lorsque le soir, face à son reflet, on se démaquille, ce sont des morceaux de nous, de ce qu'on était avant, qui imbibent le coton et qui partent à la poubelle. On se voit alors tel que l'on est… peu à peu effacée par la maladie.
Il y a bien des astuces pour paraître femme, perruque, maquillage, crayon pour les yeux, crayon et brosse à sourcils, rouge à lèvres et rose sur les joues mais j'ai l'impression de disparaître. Comme si je n'étais plus qu'une illustration, sur laquelle on avait gommé d'abord le sourire puis, les cheveux, les sourcils, puis les cils... jusqu'à la page blanche.
Ahhh le diktat des apparences...
Peut-être– je dis bien peut-être, car je ne suis pas à leur place – que l'alopécie est un peu moins difficile pour les hommes. On ne juge pas la virilité d'un homme à ses cheveux, ou à son absence de cheveux...
Mais le paraître, homme comme femme on y est tous soumis !
À l'hôpital de jour, il y a pas mal d'hommes. Ils ont, pour beaucoup d'entre eux, un certain âge et sont donc déjà soumis à la calvitie. Je trouve certains de ces petits bonhommes adorables sans cheveux, ou avec une petite mèche, même solitaire, mais toujours très bien coiffée. Certains sont même très bien apprêtés pour ne pas dire endimanchés. Et oui rester classe en toutes circonstances dès qu'on met un pied hors de chez soi, même à l'hosto. On reconnait bien ça déjà chez les précédentes générations. Moi je peux vous dire que selon mon humeur du jour, je peux sortir la petite robe, comme le legging et le pull sans forme. Le confort avant l'effort !
Et puis, ils sont toujours très polis, pas un mot de travers, très discrets et dans la retenue même face à la douleur. Je les admire et ils m'attristent à la fois.
Ile Saint Louis - @Louis Stettner |
Un matin, un de ces élégants gentlemen était assis en face de moi. Il était tout pâlot et n'avait pas l'air de se sentir très bien. Moi j'avais mon bandeau sur les yeux mais j'avais la description en stéréo de ce qui se passait autour de moi grâce à ma copine Nono. Le fait d'être plongée dans le noir, je percevais certains bruits plus précisément que d'habitude.
C'était l'heure du déjeuner – enfin pas pour moi, car manger les yeux bandés... -. Les plateaux repas étaient déposés sur les tablettes des patients – oui, ils étaient également moins difficiles que moi question qualité gustative... -et j'entendais les fourchettes et les assiettes s'entrechoquer.
De drôles de bruits venaient d'en face... On a beau être un gentleman, on n'est pas forcément discret en matière de mastication... mais ce n'était pas ça. Notre petit papi avait la nausée mais s'essayait à picorer. Mais bien trop gêné pour le dire à l'infirmière, il n'eut pas le droit au haricot magique lorsque le contenu de son estomac décida de se faire la malle ! Il était tellement gêné. Noëmie fit signe à l'infirmière pour qu'elle vienne à son secours. Il se confie en excuses encore et encore auprès de nous, et même les yeux bandés je percevais la honte qu'il ressentait. Pourtant, il n'y a aucune honte à avoir, on a le droit d'être mal, on a le droit de souffrir, on a le droit de vomir, on a un Fucking Big C qui nous ronge de l'intérieur.
Je me suis sentie tellement mal pour lui, et je comprenais ce qu'il devait ressentir au fond de lui. Comment gérer, donner bonne apparence en public lorsque nous perdons tout contrôle sur notre corps ?
C'est fatiguant d'être malade, fatiguant de devoir passer de longues minutes à se camoufler, fatiguant de continuer à sourire, fatiguant de rester poli quand on a envie de tout envoyer valser, c'est FATIGUANT de faire semblant de ne pas être malade. Et on ne sait plus si on le fait pour nous, pour mieux s'accepter, ou bien pour les autres, pour être mieux accepté.
Agnes Obel - September song
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à me laisser un commentaire !